Portait de Célestin Gérard, pionnier du machinisme agricole à Vierzon.
Nous sommes le Thursday 21 November 2024
Aujourd'hui nous avons pensé évoquer la vie d'un pionnier du machinisme agricole à Vierzon : Célestin Gérard qui parti de rien en 1848, créera puis développera une entreprise qui emploiera 270 personnes au moment de sa cession à la Société Française de Matèriel Agricole et Industriel (SFMAI) trente ans plus tard.
Célestin Gérard est né en1821 à Monthureux le Sec près de Vittel dans les Vosges. Issu d'une famiille agricole il a appris le metier de menuisier et accompli son tour de France. A son retour au pays natal il travaillle chez un meunier où il répare le matèriel de celui-ci. Il se sent attiré par la mécanique. L'intéret qu'il manifeste pour cette dernière se concrétise par la fabrication d'une batteuse pour son père qui se révèle plus perfectionnée que les rares machines existantes de l'époque. Elle est remarquée par un propriètaire local Méruée qui devient ensuite régisseur de l'exploitation du château de Tracy en Loire et Cher. Cette exploitation se dote d'une machine à battre fabriquée à Nancy et tout naturellement Méruée pense à Célestin Gérard pour lui installer. D'autres agriculteurs de la région ayant eu connaissance de la mise en route de cette batteuse sollicitent Gérard pour qu'il leur construise une machine à battre et c'est ainsi que notre menuisier va se fixer dans la région alors qu'il a pensé un moment retourner vers sa campagne natale.
Après avoir installé un atelier dans les environs de Vierzon, Célestin Gérard le déplace dans le quartier de la gare de cette ville en 1948. Le choix est judicieux. Vierzon est desservi par une voie de chemin de fer dès 1945. De plus les matières premières de l'industrie naissante sont produites ou extraites dans des régions proches. La houille provient des départements de l'Allier, de la Creuse ou du Puy de Dôme. Les métaux ferreux sont acheminés à partir de Montluçon, Commentry, et Fourchambault. Le bois, quant à lui est encore plus proche. La forêt de Vierzon et celle d'Allagny vont suffire dans un premier temps aux besions vierzonnais.
Très vite cependant la production se révèle insuffissante et la forêt de Tronçais dans l'Allier complètera les besoins; le canal de Berry permettant un acheminement facile. Il n'est pas inutile de souligner que le bois intervient pour une part importante dans la fabrication des machines de récoltes de l'époque. Les noeuds de communication qui valent pour l'approvisionnement en matières premières sont également très utiles pour les livraisons des machines à leurs acheteurs, le réseau ferré n'a pas de concurrence routière à l'époque.
Vers 1850 la France est essentiellement rurale, l'industrie du machinisme agricole n'en est qu'à ses débuts: dans ce contexte Célestin Gérard est un pionner. Très vite il pressent que l'animation des machines par la traction animale va laisser la place à une autre force motrice qui pour l'heure se révèle être la vapeur.
Six ans après son installation à Vierzon, il fait fabriquer par Renaud et Lotz de Nantes une batteuse mue par la vapeur. Entre temps il n'est pas resté inactif.
En 1853 il a obtenu une médaille au comice agricole de Vierzon récompensant la fabrication d'une batteuse à manège. Cependant les trépigneuses constituent l'essentiel de sa production: il en aurait vendu 40 au total à cette date. L'effectif de son personnel est de 15 ouvriers. Les bases de son ascension sont en place; sa première batteuse mue par la vapeur, sans doute difficile à vendre à une clientèle prudente et peut-être soupçonneuse, il va la louer aux agriculteurs. Le prix de la prestation paraît énorme de nos jours: un tiers du grain batu; imagine t'on aujourd'hui un entrepreneur de moisssonnage-battage prélever le tiers de la récolte tout en soulignant que le fauchage n'était pas compris.
En 1861 il franchit un pas supplémentaire dans son ascension: il fabrique sa première machine à vapeur. Trois ans plus tard il a vendu 40 locomobiles sorties de son usine. De 15 ouvriers en 1853 en est passé à 150 onze ans plus tard. Parallèlement l'infrastrucure industrielle s'est développé, elle est estimée à 300 000 francs.
En 1866 Célestin Gérard fait preuve d'innovation, il sort la première batteuse mobile montée su roue en France. Cette nouveauté, en apparence anodine, va transformer l'esprit de l'entreprise de battage. L'ére des entrepreneurs est ainsi née. Elle perdurera jusqu'à la disparition des batteuses fixes un siècle plus tard. Pendant longtemps ceux-ci devront faire appel aux agriculteurs pour déplacer leurs matèriel aux moyens de boeufs ou de chevaux. Ils ne deviendront progressivement totalement autonomes qu'avec l'apparition des tracteurs qui déplaceront et animeront des ensembles de plus en plus performants.
Vers 1870 Célestin Gérard atteint son apogée, son usine enploie 270 personnes et construit chaque années entre 70 et 80 batteuses et 30 à 40 locomobiles.
En 1874 il est promu chevalier de la Légion d'Honneur non sans avoir au préalable obtenu 225 médailles d'or, 85 d'argent, 8 grandes médailles et diplômes d'honneur. Il a déposé 25 brevets d'invention ou d'addition.
Lorsqu'il cède son affaire en 1879, 1600 locomobiles et 2600 batteuses sont sorties de ses usines depuis son installation à Vierzon. Le bilan est impressionnant au plan de la production industriellle, l'expension foncière et immobiliaire ne l'est pas moins, elle n'est pas traitée ici. Notons simplement que parallèlement au développement industriel, l'expansion immobiliaire de ses biens personnels n'est pas négligeable non plus.
R. Fandart Sources: Société Française de Matèriel Agricole et Industriel de Vierzon Jean Cherouvrier et Jean Noulin Edition E.T.A.I 2001 L'industrie du machinisme Agricole à Vierzon Henri Letourneau Edition Guenegaud 2003
Article publié le 01-02-2008 (16470 lectures)