La production des tracteurs
Nous sommes le Tuesday 03 December 2024
Au regard de la durée de vie de la Société Française la période de production de tracteur fut assez courte.
- 1932 étude de deux prototypes, 1934 production du H1 en série suivi d'autres modèles jusqu'en 1958, année où est abandonnée la production de monocylindre pour faire place au 303 et au 403 bicylindres.
-1958 cest aussi l'année de l'entrée de Case dans le capital de la Société Française qui devient Société Française Case de matériel agricole et industrielle. Le 30 juin 1959 la nouvelle société est mise en règlement judiciaire. Un administrateurjudiciare provisoire est nommé. Celui-ci ne se prononce pas pour la liquidation et une nouvelle société est formée par une assemblée constitutive du 6 juillet 1959 : La compagnie de tracteurs.
Ce rapide survol permet de situer la production des tracteurs de la Société Française de 1934 à 1959, soit 25 ans étant entendu que Case poursuivra encore quelque mois la production de derniers tracteurs élaborés par la Société Française de Vierzon (SFV). Il n'est pas inutile de rappeler que la Société Française de matériel agricole a pris naissance le 28 mars 1879 en rachetant l'entreprise créé par Celestin Gérard qui s'était installé à Vierzon près de la gare en 1848 (date tradionnellement retenue comme point de départ du machinisme agricole à Vierzon).
En résumé c'est 31 ans de fabrication de batteuse sous les noms de Celestin Gérard puis des établissements Del et Gérard et 80 ans au nom de la Société Française soit 111 ans.
En 1949 date d'expérimentation du prototype de la moissonneuse batteuse SFV, la firme produira encore 350 batteuses référencées en 12 modéles différents.
La locomobile vapeur quand à elle fit son apparition dès 1861 dans les ateliers de Celestin Gérard. la production atteindra son apogée en 1883 avec 380 machines produites dans l'année. C'est cinquante ans plus tard que prendra fin la fabrication des machines à vapeur. L'usage de la vapeur perdura jusqu'aux années 1940, la pénurie de charbon due à la guerre 39/45 lui sera fatale. Un temps remplacé par le moteur électrique, l'entraînement par le tracteur se généralise vers les années 1950 pour un temps très court il est vrai, la moissonneuse batteuse prendra rapidement la place à la fois de la moissonneuse lieuse et de la batteuse fixe.
Dans ce nouveau domaine la Société Française, c'est un paradoxe, semble pénalisée par son passé de constructeur de batteuses fixes à la qualité unanimement reconnue. Ses batteuses sont robustes et le poids des machines n'est pas un critère qui en premier lieu entre en ligne de compte dans la fabrication. Pour la moissonneuse batteuse, le poids est un handicap certain; il absorbe beaucoup d'énergie pour sa mise en mouvement, de plus la portance sur le terrain peut s'en trouver altérée. En outre nous sommes à la veille du rapprochement avec Case, finalement la production sera arrêtée sans que la SFV pu s'imposer sur le marché.
Ce rapide survol historique étant brossé il convient de revenir plus en détail sur la production des tracteurs de la Société Française. Ainsi qu'il l'a été indiqué ci-dessus c'est en 1932 que le directeur de la SFV, Pierre Chevalier propose que soit mis en chantier la production d'un tracteur à huile lourde, monocylindre, deux temps, semi-Diesel.
Pourquoi un monocylindre? Un esprit curieux pourrait voir là l'influence de la production antérieure de machine à vapeur monocylindre.
Lanz avant elle et Marshall produiront eux aussi des monocylindres après avoir produit des machines à vapeur; le premier en semi-Diesel et le second en Diesel mais tous deux à moteur deux temps.
La production des tracteurs qui débute en 1934 est très modeste :
- 37 tracteurs sortent des ateliers cette année là,
- 77 en 1935
- 232 en1936 répartie sur 2 modèles le H1 et le H2.
Cette montée en puissance de la production, bien modeste il est vrai, conduira la SFV à mettre en fabrication un tracteur puissant pour l'époque le H0 dont la production totale répartie sur 4 ans (1936-1940) atteindra le chiffre de 72. Ce modèle répond à la demande des entrepreneurs de battage qui exploitent les batteuses à haut rendement produites par la firme. La gamme offerte à la clientèle permet d'avancer que celle-ci est surtout orientée vers l'animation des batteuses.
La guerre 39/45 entrainera la suppression du H0 et seul se maintiendront le HV1 et le HV2. Le manque de matières premières et l'obligation imposée à la SFMAI de travailler pour l'occupant allemand entraînera à partir de 1941 une baisse constante du niveau de production qui après avoir atteint le nombre de 434 unités produites en 1941 descendra à 116 unités en 1943. Nous sommes au creux de la vague.
A la libération de la ville de Vierzon en 1944, la SFMAI est au plus mal: son directeur Pierre Chevalier est assassiné, des cadres sont arrêtés pour collaboration avec l'ennemi et le ministre de la production industrielle nomme un administrateur provisoire en la personne de Vincent Berruet. Ce dernier qui appartenait au personnel de la société disparaîtra dans un accident de voiture un an plus tard. Les propriétaires de l'entreprise se voient opposer la confiscation de leur firme, mais ils n'entendent pas être dessaisis de leur affaire; ils intentent un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat: ce dernier leur donnera raison le 11 juillet 1947.
Entre temps après la mort de Vincent Berruet un deuxième administrateur du nom de Caillon est nommé. C'est lui qui s'entendra avec l'arsenal de Roanne pour que le FV1 soit produit sur ce site. Il nous est apparu nécessaire d'évoquer brièvement ces rappels historiques pour illustrer la situation dans laquelle pouvait se trouver la SFMAI durant cette période.
Dès 1947 le plan Marshall s'est mis en place et a donné l'impulsion de la motorisation de l'agriculture française. La SFV va bénéficier de cet élan et si en 1947 la production n'atteint encore que 687 tracteurs, elle est portée à 1915 unités en 1948 et 2452 en 1949.
Si les grandes exploitations agricoles sont motorisées ou plus précisément partiellement motorisées, tout reste à faire pour les moyennes et petites exploitations. La SFV, comme ses concurrents, va chercher à s'introduire dans ce créneau et repense sa gamme.
Dès 1950 elle met sur le marché le tracteurs 302 suivi du 551 et du 402. Elle élargit sa gamme par le bas en produisant le 201 et va même jusqu'à rechercher à offrir sur le marché un petit tracteur le 141 en s'adressant à la sous-traitance.
L'ensemble de la nouvelle gamme démontre que la SFV a recherché à rendre ses modèles plus adaptés à l'agriculture que ne l'étaient les modèles précédents, notamment la plage de ses régimes moteurs a été améliorée par l'adoption d'un régulateur de ralenti qui faisait cruellement défault sur ses premières séries alors que sont concurrent le plus direct Lanz avait depuis longtemps résolu le problème. Cependant son type de moteur ne répond plus parfaitement à la demande de la clientèle et si l'argument de son carburant économique pourrait être avancé, il disparait avec l'adoption en 1956 du carburant Diesel agricole qui place d'emblée le moteur Diesel au premier d'une utilisation économique.
En 1958 la SFV qui a pris conscience de l'obsoléscence de ses moteurs offrira sur le marché une nouvelle gamme de tracteurs bi-cylindre le 303 et le 403. Ces modèles insuffisamment préparés seront source de déconvenues mécaniques qui mettront en péril la SFV. Celle-ci contrainte de faire appel à l'américain Case qui d'abord participera au capital de la SFV à hauteur de 23% le 14 mai 1958, pour être porté à 54,7% le 13 juillet 1959.
Case a pris le contrôle de la firme. Le constructeur américain pensait-il s'implanter en Europe sur le marché du tracteur agricole ? Sans doute a-t'il caressé un moment cette ambition. A cette effet il mettra sur le marché des modèles nouveaux à moteurs multicylindres pour les petites et les moyennes puissances et offrira en haut de gamme des tracteurs conçus aux Etats Unis.
Très vite Case qui dès 1967 est intégré au groupe Teneco se rendra à l'évidence que le créneau du tracteur agricole est déjà investi par quatre grands constructeurs: Massey-Ferguson, International Harveste, Renault et SOMECA. Il s'oriente alors vers les engins de travaux pubics.
En conclusion on peut dire qu'avec la fin des tracteurs monocylindres la SFV a vécu. Un autre choix dans le renouvellement de sa gamme aurait-il sauvé l'entreprise?
Avec le recul du temps on peut penser que sans les avatars des 303 et des 403 la société aurait pu perdurer quelques années supplémentaires mais elle n'aurait pas pu échapper au regroupement inéluctable des firmes qui s'est amorcé dans les années 1970 pour arriver à la situation actuelle où aucune marque française n'a survécu.
Même Renault a cédé sa production de tracteurs alors qu'il a occupé pendant longtemps une des premières places sur le marché français. R. Fandart Sources: Société Française de Matèriel Agricole et Industriel de Vierzon Jean Cherouvrier et Jean Noulin Edition E.T.A.I 2001 L'industrie du machinisme Agricole à Vierzon Henri Letourneau Edition Guenegaud 2003 Pierre Chevalier 1887-1944 Jacques Chevalier Edition à compte d'auteur janvier 2003
Article publié le 01-02-2008 (31206 lectures)